Tectonique des textes, Textonique de la Terre

 

 

Définitions

 

"Pour voir un premier rapport entre géologie et poétique (géo-poétique), pensez aux débuts de la géologie moderne, dont un des grands points de départ fut la découverte par Hutton, sur l'île d'Arran en Ecosse […] de ce qu'il appela la non-conformité : la présence de mouvements divers et contradictoires dans une même masse de roche. Non seulement ces mouvements dataient de temps très anciens mais ils continuaient, ils se poursuivaient : la composition de la Terre n'était pas finie, pas figée, elle était mouvante, dynamique : géostrophique disait Hutton. De la strophe de la Terre à la strophe du poème il n'y a qu'un pas - un grand pas, je veux bien (du genre de ces « bonds logiques » qu'Einstein disait nécessaires à la physique pour avancer). Dans tectonique je lis texte", LCGT, p. 77.
 

"J’ai créé la notion de « textonique » à partir, évidemment, du concept de tectonique des plaques développée elle-même sur la base de la « dérive des continents » de Wegener. La textonique est le contraire du textualisme. Ce dernier concept, ultra-littéraire, marqué d’un absolutisme intellectualiste, veut ramener tout, la Terre entière, au texte. La textonique, au contraire, ouvre l’esprit au texte de la Terre », PG, p. 107.

 

 

 

voir Topologie poétique

 

 

Principales occurrences

LCGT, p. 77 ; Poétique de la montagne, Latitudes n°1, Les éditions du Héron, 2003, p. 22 ;PG, sous-titre, p. 31, p. 106-108

 

Citation

"C'est là [n.b. : Les Pyrénées] que j'ai commencé à m'intéresser à l'orogenèse (la genèse des reliefs) et à la tectonique – avec, derrière la tête, la notion d'une sorte de « tectonique des textes », d'orogenèse poétique… L'orogenèse étant l'opérateur continental par excellence, un opus qui aurait pour idée de « créer un monde* » (un continent de l'esprit) devrait pouvoir opérer d'une manière analogue. Le « style tectonique » suivrait la topologie des crêtes. Et cette poétique orogénétique inclurait aussi la stratigraphie, l'étude des couches sédimentaires (je pensais : couches sédimentaires de culture), une chaîne de montagnes étant un ancien bassin sédimentaire marin qui s'est transformé en relief. Des forces et des substances hétérogènes pourraient donner naissance à des formes inédites", Poétique de la montagne, Latitudes n°1, 2003, p. 22.

 

Commentaires

Dans sa langue maternelle, White a contracté les deux termes, text and tectonics, pour forger le néologisme textonics : "It was on the basis of Hutton's tectonics, concerned with the open structure of strata and the introduction into these open structures of all kinds of heterogeneous matter, this collocation of matter being later subjected to dislocation, fracturisation, all sorts of transference and translation, that I gradually derived a style of writing, let's say, employing the kind of linguistic shift I love, a textonics", On the Atlantic Edge, The Highliner series, Sandstone Press Ltd, 2006, p. 19.

Dans Ecosse, le pays derrière les noms, White revient sur les principes de Hutton : "Avec Hutton, on quitta le monde statique pour aller vers un monde dynamique, fluctuant - géostrophique. Je ne me privais pas de tirer de ces enseignements géologiques quelques leçons de littérature", Ec. Br., p. 73.

 

Cheminement critique

Pierre JAMET, LGOWK, p. 16. Sur le Nord en tant que point cardinal tant géographique que de l'esprit, voir Michèle DUCLOS, KW, p. 32-34.

 

 

 

 

 

Terre de Diamant

 

 

Définition

 

"Plus précisément, « terre de diamant » est le nom d'un mandala (Tucci traduit : psychocosmogramme*), le vajradhatu-mandala, à l'intérieur duquel l'adepte essaie d'atteindre à la conscience lumineuse. Sur le périmètre de ce mandala, huit déesses (inspiratrices, invitations à devenir), dont quatre abstraites et quatre sensuelles. Au centre, la « reine du pays diamantin » (vajradhatu-visvari), ou la « sorcière de la divine connaissance » (jnanadakini). Cette « reine », cette « sorcière » est « la mère de tous les bouddhas », mais elle n'a en fait rien de maternel. C'est une « petite mère », représentée physiquement parfois par une fille de seize ans. De là la phrase pour décrire le yogin tantrique : « Anonyme il erre dans le pays du diamant une fille de seize ans à ses côtés »", TD (Grasset), p. 251.

 

 

voir Monde blanc, Psychocosmogramme, Transpersonnel, Wild Coal, Zen

 

 

Principales occurrences

D, p. 151-152 ; FD, p. 171 ; LI, p. 162, p. 165 ; LP, p. 65 ; PC, p. 98, p. 203-204 ; STPV, p. 103, p. 106 ; TD, p. 161, p. 179, p. 251 ; Goéland, Atlantique Nord, N°1, Printemps 2003, p. 13 ; Cosmose n° 10/11, p. 71


Citations

"Révélé à lui-même en terre de diamant / dans la lumière au-delà des mots", Lumière de Scalpay, TD, p. 161.

"Qu'est-ce que tu penses du mouvement hippy ? / C'est une fleur céleste / Et toi, qu'est-ce que tu cherches ? / La terre de diamant", Entretien, TD, p. 179.

"S'il y a trois mots de base pour moi dans ce contexte du bonheur, ce sont espace, énergie et lumière. Ce n'est pas pour rien par exemple que j'ai intitulé un livre de poèmes Terre de diamant pour dire la possibilité de vivre sur terre d'une manière éclairée et lumineuse", Goéland, Atlantique Nord, N°1, Printemps 2003, p. 13.

"J'aime beaucoup la phrase d'un poème japonais, bouddhiste, qui dit : « Chaque lieu où tu entres complètement est une terre de diamant » (c'est à dire un lieu de lumière)", LP, p. 65.

"Terre de Diamant, c'est l'effort d'écrire des poèmes clairs comme du cristal de roche. C'est aussi le nom pour l'espace intérieur d'un certain mandala. La recherche d’une substance, d’une lumière…", PC, p. 98.

 

Commentaires

Dans son essai consacré à Segalen, White donne une autre définition de ce terme en citant Gilbert Durand (Structures anthropologiques de l'imaginaire, Paris, Puf, 1963, p. 263) : "Il [le mandala] est assimilé au Paradis […] dans lequel le temps est aboli […] : on transforme la terre mortelle et corruptible en « terre de diamant » incorruptible", STPV, p. 103.

 

Cheminement critique

Olivier DELBARD indique que "Terre de diamant" est "le concept central des écoles shivaïtes et du bouddhisme tantrique", LKW, p. 208.

Robert BRECHON précise le sens de cette notion dans la poétique whitienne : "L'homme ne s'accomplit que s'il se dépasse, s'il atteint l'état transpersonnel* qui le met en relation immédiate avec la nature. Et dans ce mouvement qui le porte à l'extrême de soi, il a chance aussi de franchir le seuil qui donne accès au vide de l'espace essentiel, au non-lieu du lieu primordial : c'est le « monde blanc* » ou la « terre de diamant » dont l'image idéale scintille à l'horizon de toute poésie", Robert BRECHON, Kenneth White, L'homme et l'œuvre, Grasset, 1987, p. 9.

Voir aussi : Robert BRECHON, Vers un yogui occidental, Critique, vol. 35 (1979), n° 383, p. 355-367. Michèle DUCLOS, KW, p. 190, p. 296 ; LKW, p. 213 ; MOKW, p. 43.

Régis POULET « Le chemin de l'aigrette — un horizon géopoétique » (conférence de géopoétique appliquée à partir de Terre de diamant)

 

 


Territoire

 

 

Définitions

 

"Mon premier territoire à moi, le prototype de tous mes territoires, consistait en une vingtaine de kilomètres carrés dans l'arrière-pays d'un village sur la côte ouest de l'Ecosse. Je n'entre pas ici dans le détail de mes déambulations, méditations et cogitations dans ce territoire mais pour résumer, pour commencer à définir le terrain territorial, je peux dire qu'un territoire, dans mon esprit, implique une expérience aréale (d' « aire »), une lecture des lieux, et une cartographie de l'espace", Latitudes n°6, p. 35.

 

"J'avais vraiment des pratiques religieuses. J'avais inventé des trucs. Avant de pénétrer dans cet arrière-pays, il fallait suivre un petit sentier le long d'une falaise, le long de certains bosquets d'arbres, et en haut de ce sentier il y avait un poteau. Dans une fente, j'avais mis un caillou, et je le touchais et essayais de me concentrer avant d'entrer dans ce que j'appelais « le territoire », un espace sacré si l'on veut, si on l'entend comme le dit Eliade là "où l'on se sent saturé d'être", où l'on est dans un espace intense et dense. Cet espace de l'arrière-pays, pour moi, c'était ça. Alors une fois que je m'étais concentré, j'avançais dans ce territoire vers certains endroits qui étaient plus intenses, plus denses que d'autres", Fanal, p. 8.

 

 

voir Géognose, Matrice, Monde blanc, Paysage archaïque, Topologie poétique

 

 

Principales occurrences

A, p. 127 ; ADL, p. 89, p. 117 ; AT, p. 32, p. 41, p. 82, p. 109 ; D, p. 9 ; DEN, p. 18 ; Ec Br, p. 98 ; EN, p. 171, p. 192, p. 217, p. 240-242, p. 251, p. 278 ; ETC, p. 35 ; FD, p. 147, p. 162 ; LCGT, p. 21, p. 38 ; LI, p. 127 ; LM, p. 23 ; M, p. 25 ; PA, p. 314 ; PE, p. 65 ; PC, p. 13, p. 100 ; SP, p. 91 ; STPV, p. 24 ; VVE, p. 157 ; Fanal, p. 8 ; Latitudes n°6, p. 35


Citations

 

"Cela peut nous arriver de rêver d'un archipel* anonyme, de prévoir un espace mental inédit, de projeter un nouveau territoire de l'être", D, p. 9.

"Du territoire, Ici au pays blanc / tout arbre un totem / tout rocher un autel / découvre - c'est ici même ! / ce sol est mortel / il anéantit / tout ce qui n'est pas l'essentiel / poète - ton royaume", Nord-Sud, M, p. 25.

"J'imaginais / un centre de lumière blanche / irradiant les territoires...", Résidence d’Aspin, 1969, LM, p. 23.

"Une carte est un système. Comme dit le logicien, elle n'est jamais le territoire - mais elle peut le suggérer, elle peut nous y initier et nous permettre de le dépasser (pour aller vers les abstractions vivantes)", PA, p. 314.

"La poésie-pensée se détournerait donc des « buts lointains » (Idée, Utopie...) et s'attacherait à ce « familier » dont Héraclite disait déjà que les hommes s'éloignaient, à leur grand détriment. Contre l'Idéal, le territoire", EN, p. 241.

"Une « renaissance » impliquerait avant tout deux choses : une sensation accrue et renouvelée du territoire (voilà le nomade) et le remaniement des cartes* (ça c'est l'intellectuel)", PC, p. 13.

 

Commentaires

Pour White, la question du territoire est existentielle et personnelle : "Le Grand Rivage* pose la question de fond, qui est aussi la question du fond : sur quoi peut-on fonder, sur quel terrain peut-on cheminer de la manière à la fois la plus profonde et la plus ouverte ? Une de ses épigraphes est tirée de Maître Eckhart : « Avance dans ton propre territoire et apprends à te connaître ». C'est justement ce « propre » qui pose question", Latitude n°6, p. 28. Dans cet opuscule, le poète consacre en outre un important développement à la notion de « territoire » (p. 33-36). De manière plus anecdotique, c'est au sujet de son « territoire » que White a publié pour la toute première fois : "[...] le premier texte de moi à circuler publiquement était un essai sur l'archéologie de mon « territoire » sur la côte ouest de l'Ecosse. Je l'ai écrit à dix-sept ans, dans le cadre d'un concours, et l'essai lui-même doit être enseveli sous la poussière dans un recoin d'une bibliothèque de l'Ayrshire", Entretien avec Kenneth White, Lettre de l'IMEC, n°9, printemps 2009.

 

Cheminement critique

Dans La Danse du chamane sur le glacier (p. 6-9), White a détaillé la manière dont, plus jeune, il explorait ce territoire de l'enfance et le rapport qu'il établira plus tard entre ses propres agissements et des pratiques chamaniques ancestrales. Anne BINEAU leur a consacré une étude in MOKW, Anne BINEAU, Le Chaman du monde blanc ou le primitivisme dans l'œuvre de Kenneth White, p. 177-207.

Voir aussi : Le Nouveau Territoire, exploration géopoétique de l'espace, collectif, Rachel BOUVET et Kenneth WHITE (dir.), Cahier Figura, n°18, Université du Québec à Montréal, Montréal, 2008.

 


 

Texte inaugural

 

 

Définition

 

Référence au texte fondateur de l'Institut international de géopoétique* détaillant son projet et proclamant son instauration le 28 avril 1989.

 

 

voir Cahiers de Géopoétique, Institut international de géopoétique

 

 

Principale occurrence

Cahiers de Géopoétique, n°1, p. 151

 

Citation

"Ce qui marque cette fin du XXe siècle, au-delà de tous les bavardages et de tous les discours secondaires, c’est le retour du fondamental, c’est-à-dire du poétique. Toute création de l’esprit est, fondamentalement, poétique. Il s’agit de savoir maintenant où se trouve la poétique la plus nécessaire, la plus fertile, et de l’appliquer. Si, vers 1978, j’ai commencé à parler de «géopoétique*», c’est, d’une part, parce que la terre (la biosphère) était, de toute évidence, de plus en plus menacée, et qu’il fallait s’en préoccuper d’une manière à la fois profonde et efficace, d’autre part, parce qu’il m’était toujours apparu que la poétique la plus riche venait d’un contact avec la terre, d’une plongée dans l’espace biosphérique, d’une tentative pour lire les lignes du monde. Depuis, le mot a été repris, ici et là, dans des contextes divers. Le moment est venu de concentrer ces courants d’énergie dans un champ unitaire. C’est pour cela que nous avons fondé l’Institut de géopoétique*. Avec le projet géopoétique, il ne s’agit ni d’une «variété» culturelle de plus, ni d’une école littéraire, ni de la poésie considérée comme un art intime. Il s’agit d’un mouvement majeur qui concerne les fondements mêmes de l’existence de l’homme sur la terre...", Introduction du Texte inaugural, Institut international de géopoétique, 28 avril 1989.

 

Commentaires

Pour lire le Texte dans son intégralité, suivre le lien suivant sur le site de l'Institut

 

Cheminement critique

Voir Michèle DUCLOS, KW, p. 120.

 

 

 

 

Topologie poétique

 

 

Définition

 

"Que la composition poétique ne provienne ni d'une rhétorique imposée, ni d'un quelconque « vers libre », mais de la méditation sur des lieux, des ensembles naturels : constellations stellaires, formations géologiques, mouvement des marées, etc", Lexique géopoétique, Poésie 98, Octobre, n°74, p. 16.

 

 

voir Psychogéographie

 

 

Principales occurrences

CC, p. 76 ; EN, p. 283 ; Lexique géopoétique, Poésie 98, Octobre, n°74, p. 16


Citation

"Au lieu d'être composé dans « le patois de Canaan » (comme le livre de Bunyan), le livre* du lieu serait écrit d'une manière plus simple, plus libre. Mais à ce lieu et à ce style, on ne parvient pas immédiatement. Il n'est question ni de régionalisme, ni de localisme* pittoresque, ni « d'esprit du lieu », mais d'un passage à travers la théologie et la métaphysique afin de déboucher sur une topologie poétique", CC, p. 76.

 

Commentaires

Voir le Chapitre Topologie poétique dans L'EN, p. 283-286. Cf. la contribution de White in Regionalität, Nationalität und Internationalität in der zeitgenössischen Lyrik, “The Atlantic seaboard : poetic topology of the European West”, Tübingen, Attempto Verlag, 1992, p. 235.

 

Cheminement critique

"Ces lieux géographiques, géologiques, précis, ont vu naître, outre la quasi-totalité des livres d'essais (sur des sujets et des auteurs généralement planétaires), un grand nombre de poèmes directement liés aux paysages profondément vécus, avec leurs toponymies. Mais surtout, après avoir découvert les grands archétypes de sa topologie poétique en Ecosse, c'est dans sa longue fréquentation des montagnes pyrénéennes puis du rivage breton que White a finalement mis au point et explicité les correspondances esthétique et ontologique entre la géologie, la géographie et la géopoétique*", Michèle DUCLOS, KW, p. 108.

 

 

 

 

Transhumain,

Transhumanisme

 

 

Définitions

 

Le transhumanisme désigne un mouvement culturel et intellectuel international récent prônant l'usage des sciences et des techniques afin d'améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Le sens que White attribue à ce terme est très éloigné de cette conception.

 

"Revenons à Eliade [Mircea Eliade]. Il parle d'une vie « trans-humaine », homologuée à la vie cosmique, une existence ouverte, non limitée au mode d'être de l'homme. Je préfère ces termes-là au terme « sacré », qui a un statut ontologique un peu trop monumental", PC, p. 70.

 

"J'ai utilisé tout à l'heure le mot « transhumain ». Et c'est vrai que parfois je me sens un peu loin de l'humanité, engagé sur une piste « hors-espèce », si je puis dire", PC, p. 165.

 

Dans un des ses essais, White cite le « cas » d’Antonin Artaud : "On pourrait dire alors que la « carrière » d'Artaud, son chemin de vie, consiste en un effort frénétique pour sortir de son corps historique et entrer dans un corps mystique, trans-humain. Cela peut être un programme même pour celui qui ne souffre pas dans sa chair physique et historique autant qu’a souffert Artaud", AT, p. 75.

 

 

voir Transpersonnel

 

 

Principales occurrences

AT, p. 75 ; DEN, p. 18 ; EN, p. 109, p. 182 ; OFBB, p. 3 ; PA, p. 238, p. 246 ; PAN, p. 185 ; PC, p. 70, p. 144, p. 163, p. 165 ; RB, p. 81 ; FA, p. 35 ; In'hui, p. 50 ; Rivages p. 27 ; Préface a Jack London, construire un feu, Libretto, p. 16 ;ALH, p. 147 

 

Citations

" « Trans-Canada » avait dit Eskimo Joe. Je traduis : « Trans-humanité »", RB, p. 81.

"Et l'on recommence / à marcher / sur la route transhumaine", RS, p. 133.

"Il me faudra aller plus loin vers le Nord / entrer plus avant / dans ce grand mystère / suivre jusqu'au bout / la route transhumaine / trouver, peut-être, la source / d'une autre lumière", Rivages, p. 27.

"Quand il monte, poétiquement, dans le Transsibérien, ce n'est pas à un voyage de touriste que nous invite Blaise Cendrars, mais à un voyage transhumain. Avec un poète aussi puissant, le train devient le Grand Véhicule (je repense à Hiuan-tsang) moderne", FA, p. 35.

"Pendant que certains s'installaient dans la platitude bavarde, dans un moralisme d'école primaire, nous sommes partis, dangereusement, vers d'étranges rives. Certes, pour nous le voyage n'était pas seulement géographique, il était transhumain. Il fallait sortir d'un vieux tissu, de vieux textes, de vieux contextes et faire peau neuve", PAN, p. 185.

"Peut-être, dans le travail « poétique » (le mot laisse à désirer...) tel que je l'entends, s'agit-il de la recherche d'un espace-temps où peut se déployer une identité transnationale, voire (allons jusqu'au bout) transhumaine", PC, p. 163.

 

Commentaires

Dans L’Esprit Nomade, le chapitre consacré à Victor Segalen a pour titre La route transhumaine (p. 182).

Dans Déambulations dans l’espace nomade, White décrit l'évolution du nomade au nomade intellectuel en ces termes : "On peut imaginer un temps où, avec l'agrandissement du désir (de la transhumance au transhumanisme !) et l'affinement de la technologie, les valeurs de vie seront fondées non sur la communauté (croyances, idéologies, cirques), mais sur une connaissance de l'espace, sur la conservation de ses beautés, et sur une poétique du monde*", DEN, p. 18.

 

Cheminement critique

"Cette transhumanité découvre ainsi un horizon humain sans limites auquel le poète chercheur et cosmographe s'alimente et trempe son imagination", Nathalie NABERT, in (Collectif, sous la Direction d'Isabelle Schwarz-Gastine), Rencontres poétiques du monde anglophone, L'Harmattan, Collection Littérature, 1999, p. 96.

 

 

 

Transpersonnel,

Surpersonnel

 

 

Définitions

 

Dans l’usage de White, le terme « transpersonnel » n’a rien en commun avec le courant psychologique qui porte ce nom. « Surpersonnel » est un néologisme qui marque la différence.

 

"L'espace poétique, à mon sens, n'est ni subjectif ni objectif, il est sur-personnel. Le poète est pour moi non pas un ego psycho-sociologique, c'est un héros (« qui se jette en avant ») ontologique. Et le poème est une ontophanie. Dans l'expérience poétique le moi se retrouve, autre, dans cet espace sur-personnel dont j'ai parlé, disons mieux, il est anéanti - l'identité devient une densité anonyme", In'hui, p. 52.

 

"La vraie poésie, qui peut se présenter de mille manières à travers mille idiomes, fait pénétrer dans un espace au-delà de la personne. On lâche difficilement sa personne, on y tient, on la projette. Même beaucoup de ceux qui s'appellent « poètes » ne sont que des personnes plus ou moins talentueuses. Leur volonté de poésie ne va pas loin. Ils se contentent de leur talent (parfois grand) et de leurs états d'âme (grands parfois aussi), sans faire sur eux-mêmes le travail (existentiel et intellectuel) qui leur permettrait de pénétrer dans l'espace surpersonnel. C’est pour cela qu’au terme de « poète », je préfère celui d’ « homme de lumière »", Fanal, p. 7.

 



voir Auteur, Désencombrer, Mahamudra, Terre de Diamant, Transhumain

 

 

Principales occurrences

AT, p. 41, p. 107 ; D, p. 178 ; EN, p. 109 ; FD, p. 73, p. 120 ; LCGT, p. 62, p. 123 ; LI, p. 112, p. 171 ; MAA, p. 116 ; PA, p. 77 ; PC, p. 48, p. 72, p. 137, p. 141 ; RC, p. 12, TD, p. 173 ; In'hui, p. 8, p. 52 ; Fanal, p. 7 ;ALH, p. 147.


Citations

"Dans les deux cas, complaisant ou « révolutionnaire », l'artiste est pris dans un complexe de relations individu/public, exactement ce hors de quoi je me tiens. En mouvement vers une réalité transpersonnelle, sans souci de public. En fait, je me sens plus proche du clochard. Un clochard transcendental disons", LI, p. 112.

"La littérature qui transperce véritablement est transpersonnelle", LCGT, p. 62.

"Le poète surpersonnel utilisera aussi un langage moins encombré de métaphores et de figures que le langage poétique habituel", LCGT, p 123.

"[…] atteindre - le blanc. Un état transpersonnel. Un espace où respirer, une région claire et calme. Kensho jobutsu. Voir dans sa propre nature, c'est devenir Bouddha", D, p. 178.

"La poésie est transpersonnelle et elle naît de l'idée", TD, Alfred Eibel, p. 173.

"Voilà la vraie « volonté de puissance » de l'artiste, ce qu'on appelle en termes moralistes son « égoïsme » et en termes psychologiques son « narcissisme », et il me semble que tout artiste authentique est profondément religieux dans ce sens. Ce qui, du point de vue de la vie sociale, est une monomanie, est en réalité un désir, un désir surpersonnel de porter la vie à sa puissance maximale", AT, p. 40.

 

Commentaires

Le poème «Logan ou les nuits blanches» a pour sous-titre : Introduction à la vie surpersonnelle, Poésie 87, Jan-Fev 1987, n°16, p. 23 (extrait d'une œuvre de jeunesse inédite, cf. CG, p. 21).

 

Cheminement critique

"Certains ont lourdement reproché à l'auteur de La Figure du dehors cette liberté avec laquelle il parsème ses écrits de voix fort diverses, passant d'un ancien texte chinois à un traité de physique, d'un poète américain contemporain à un barde celte... Cette pratique n'est pourtant qu'une manifestation de sa volonté d’œuvrer en un espace transpersonnel, une manière de transmettre autre chose que les secrétions de son moi psychologique", Gilles FARCET, Rivages, p. 55.

Plus que la plurivocité, pour Michèle DUCLOS, c'est le rapport au Monde* qui caractérise cette notion : "L'espace poétique n'est, pour White, ni objectif, ni subjectif, mais sur-personnel, ce qui le distingue d'emblée de tous les courants littéraires mondiaux. Le poème est une ontophanie qui unit le poète et le monde dans une danse qui permet non pas la compréhension rationnelle du monde mais plutôt une perception éveillée", MOKW, p. 154 (idem dans le même ouvrage cf. p. 50). Voir aussi : Michèle DUCLOS, «Traits chamaniques dans la poésie du XXème siècle : Ted Hughes et Kenneth White», Revue des Ressources, février 2003 ; KW, p. 48 ; Catherine VAISSERMANN, MOKW, p. 154. Christophe RONCATO, KWOM, p. 144.