Bien que je réalise des cartes depuis plus de douze ans, la cartographie, le désir et la capacité de dresser des cartes en général me restent étrangers. Les cartes que j’ai entreprises à ce jour couvrent tout le territoire que j’aperçois depuis là où je vis, et sont des versions élaborées et extériorisées des esquisses mentales qu’on réalise pour se situer, cognitivement et affectivement, dans un nouveau lieu. Désorienté par la nature de l’endroit où j’avais élu de vivre, il m’était indispensable d’en dresser la carte ; aussi commencerai-je par une brève rétrospective de l’étrangeté qu’il présentait à qui arrivait en droite ligne de Londres. Les îles d’Aran sont trois éclats de calcaire arrachés au Burren, dont le caractère paradoxal est bien marqué par l’appellation de son abbaye en ruine, ‘Sainte Marie du Rocher fertile’. Cependant les îles correspondent davantage avec le Connemara, partageant avec lui l’honneur et le fardeau d’une langue en déclin qui porte une tradition orale plus ancienne que le christianisme. L’Atlantique bat, caresse, malmène et déprime les deux grandes terres [mainlands], et déborde d’attention pour les îles en particulier. Suffit. Cela est déjà plus que ce que je connaissais quand je suis arrivé en 1972, pour vivre dans un hameau situé à une heure de marche à l’ouest du petit port d’Árainn, la plus grande des îles.
Me retrouver dans un tel paysage, ou plutôt série de paysages entremêlés s’avéra être l’affaire de beaucoup d’années, et n’a pu se faire, pour l’essentiel, qu’à travers des cartes et l’écriture. Les cartes sont publiées sous l’appellation de Folding Landscapes, la petite maison d’édition dirigée par ma partenaire et moi-même depuis 1984, à Roundstone, dans le Connemara. Les cartes produites à ce jour sont celles des Iles d’Aran (1976 et 1984), du Burren (1997); le travail sur le Connemara est toujours en cours.