L'Institut international de géopoétique a été fondé en 1989, et présidé par son fondateur Kenneth White jusqu'en 2013. Pendant 10 ans, il a suivi avec une grande attention le devenir de cette institution. La disparition de son fondateur fait entrer l'Institut dans une nouvelle phase de son existence, méthodiquement préparée avec lui.

Le texte ci-dessous porte à la connaissance publique la stratégie que les membres avaient appuyée depuis 2016, et il revient sur les prolongements plus récents du déploiement des énergies de l'Institut.

On pourra aussi lire avec profit « Éclaircir l'horizon », qui fait le point début 2024.
 
 
IDÉES DE KENNETH WHITE CONCERNANT L’ÉVOLUTION DE L’INSTITUT


Voici son texte en intégralité :

« Qui se développe dans la durée se développe aussi dans l’espace.
Devenir, c’est avoir lieu et occuper de plus en plus de lieux. »

Georges Poulet
Les Métamorphoses du cercle

 

« De par sa conception et son organisation, l’Institut international de géopoétique est une institution assez particulière, et dès son instauration en 1989, voilà donc vingt-sept ans, je lui avais prévu un itinéraire complexe.

Ceux et celles qui ont lu attentivement mes « rapports moraux » de ces dernières années, quand j’étais encore président de l’Institut savent qu’après l’institutionalisation, et l’archipélisation, j’envisageais un déploiement ultérieur des énergies de l’Institut : l’océanisation.

Il me semble que le moment de ce troisième stade est venu. C’est en tant que « pilote océanique » de l’Institut que je parle, et que je propose cette nouvelle étape à l’assemblée générale.

Il ne sera sans doute pas inutile de rappeler brièvement les stades, la rationalité, du développement de l’Institut jusqu’ici.

 

1. L’institutionalisation

Dès sa fondation, la raison d’être de l’Institut a été de garder au concept de géopoétique, noyau dynamique de l’ensemble à venir, tout son sens, d’assurer son rayonnement, de veiller à son évolution. Il l’a fait de plusieurs manières : la mise en place d’une série de conférences à la Sorbonne, l’organisation de colloques en plusieurs lieux (Pau, Nîmes, Aix-en-Provence…), et par la création des Cahiers de Géopoétique, dont j’ai assuré la constitution, et dont Marie-Claude White a assuré l’élaboration.

Je me tourne maintenant vers le deuxième stade.

 

2. L’archipélisation

Ce que j’ai appelé, en 1993, l’archipélisation signifiait la création, en divers lieux, régions, pays, de groupes (centres, ateliers…), habilités par l’Institut, affiliés à l’Institut, ayant vis-à-vis de l’Institut ce que j’ai appelé une « autonomie responsable ».

J’étais très conscient que c’était un pari risqué : risque de l’essor d’ambitions personnelles, déformation de l’idée, etc. Mais j’étais prêt à prendre ce risque, afin d’encourager la diffusion de l’idée géopoétique dans le contexte de diverses localités.

En peu de temps, plusieurs de ces centres se sont créés en France et dans d’autres pays, et l’on a pu constater l’émergence d’excellents travaux.

Mais aussi, les années passant, se sont manifestées des déviations intellectuelles graduelles, ainsi que, sur le plan organisationnel, un contexte compliqué de dépendance-indépendance, et des difficultés à maintenir le rapport complexe entre Institut et groupes de l’archipel, que certains n’ont jamais compris, que d’autres n’ont jamais voulu comprendre.

L’acte symbolique de l’exclusion en 2015 du groupe québécois (au sein duquel, soit dit en passant, j’ai de fortes amitiés personnelles), pour les raisons que j’ai exposées très précisément ailleurs, fut l’expression de ces complications croissantes.

C’est dans ce contexte qu’il est temps de passer à ce que j’ai appelé l’océanisation.

 

3. L’océanisation

Tout en gardant à l’esprit le vieux principe taoïste selon lequel les problèmes boueux se dissolvent dans l’océan, faisons un tour d’horizon lucide et tranquille.

Force est de constater – il suffit de jeter un coup d’œil sur Internet – que l’idée géopoétique se répand de plus en plus. Il est devenu impossible de contrôler, de canaliser cette diffusion.

Autrement dit, l’idée géopoétique, de manière souvent très approximative, voire diluée, vogue dorénavant sur les flots.

Ce que j’appelle l’océanisation de l’Institut n’est pas un abandon à cet état de choses, loin de là. C’est une manière, à la fois, de l’inclure et de le transcender.

En termes abstraits (les plus fondamentaux), l’Institut + son archipel était une structure. Avec l’océanisation, on va d’une structuration à une spatialisation. En termes concrets, on évitera ainsi à la fois les petites disputes internes, ainsi qu’une tendance, assez évidente ces derniers temps, à vouloir faire de quelques groupes de l’Archipel (avec majuscule) une coalition érigée à côté de l’Institut, voire contre l’Institut, véhiculant une sous-géopoétique telle qu’on la voit se profiler dans quelques textes récents.

Les groupes ne cesseront évidemment pas d’exister (l’exclusion du groupe québécois n’a jamais signifié son extinction). Cela signifie seulement qu’ils évolueront désormais dans un espace ouvert, un océan, à côté d’autres groupements (sans parler d’individus préférant rester isolés) qui émergent déjà et qui continueront à émerger dans l’avenir, chacun travaillant en étroite liaison avec sa localité particulière et selon sa thématique particulière – toujours, cela va de soi, dans l’optique de la géopoétique bien comprise et bien développée, c’est-à-dire sans amalgames hâtifs, sans confusionisme.

Pour prolonger la métaphore océanique, l’Institut restera, pour les groupes et pour les individus, comme un phare. Il continuera à jouer le rôle qui était le sien depuis le début, restant la référence principale en matière de géopoétique, le lieu de la concentration maximale, centré sur le nouveau site web de l’Institut, mis en place et développé par Régis Poulet.

Donc, recentrage et diffusion générale.

Merci de m’avoir écouté.

Kenneth WHITE 
26 octobre 2016 »