Dictionnaire de géopoétique

Eléments puisés dans l’œuvre fondatrice de Kenneth White

Jargon Group

 

 

Définitions

 

Nom du premier groupe fondé par White à Glasgow dans les années 60 :

"Le Jargon Group est un groupement d'individus, un rassemblement d'éléments de révolte, de négation et d'affirmation, en dehors de toute organisation établie et de toute ligne idéologique, son but étant simplement : une intensification de l'individualité, une requalification de l'existence, le commencement d'une communauté vivante", Essays and Experiments, The Feathered Egg*, n°1, Université Charles V, avril 1972, p. 13 (cité par Anne BINEAU, HKW, p. 58).

 

"Je me suis immergé pendant de longues années dans toutes sortes de « charabias » philosophiques, convaincu, comme Deleuze, que ce « charabia », cette langue dans la langue, est nécessaire (j'ai moi-même parlé de « jargon », le langage du jars, intitulant ainsi le premier groupe que j'ai fondé, à Glasgow, le Jargon Group)", DD, p. 50.

 

 

voir Feathered Egg, Feuillage

 

 

Principales occurrences

DD, p. 50 ; LCGT, p. 30 ; LM, p. 17 ; LP, p. 19 ; PC, p. 88, p. 174 ; SP, p. 16, p. 21-29, p. 171 ; Autre Sud, n°45, Juin 2009, p. 32 ;ALH, p. 97 ; Lisières, p. 36


Citations

"Au sommet d'une autre colline / (Gilmorehill, le quartier de l'université) / j'avais créé le Jargon Group / où je faisais des causeries et des lectures de poésie / (dans des églises, dans l'amphithéâtre de philosophie) / et publiais des pamphlets / relayés de Londres / par le centre para-situationniste Sigma / à un réseau de gens à travers le monde / qui incluait Ronald Laing, l’ « anti-psychiatre » / et le Burroughs du Festin nu à Tanger", LM, p. 17.

"C'est avec ces études en tête, et avec la conviction que derrière la question politique il y avait un problème culturel, que, de retour à Glasgow, j'ai fondé le groupe Jargon, dédié à ce que j'ai appelé « une révolution culturelle » (sans aucune référence à Mao)", Autre Sud, n°45, Juin 2009, p. 32.

 

Commentaires

Dans Une Stratégie paradoxale, White précise : "N'oublions pas que « jargon » vient de « jars » - c'est le langage de l'oie sauvage, c'est à dire un langage qui se situe en dehors du langage convenu, hors des codes, qui essaie d'ouvrir un autre espace" (SP, p. 199). White se réfère aussi à Miller : "Le titre était un peu ironique et faisait référence à une phrase d'Henry Miller : « le jargon des anges et des exclus », PC, p. 88. La référence se trouve dans Nexus : « Souvent, c’était dans le noir, au coin d’une rue, dans un quartier complètement désert, sous un vent qui hurlait comme un dément, que je tombais sur un de ces marmiteux. Parfois, il me demandait du feu, ou bien de lui filer vingt balles. Et instantanément, nous nous prenions par le bras, instantanément nous tombions dans le jargon que seuls utilisent les épaves, les anges et les parias », Henry Miller, Nexus, LDP, p. 72, traduit par Roger GIROUX.

Pour mieux comprendre ce que fut à l'époque le Jargon Group, on pourra se reporter au témoignage de Norman Bissel, ancien étudiant de White à Glasgow et membre du Jargon Group : La danse des feuilles, MOKW, p. 233-239. On peut aussi lire les deux numéros parus des Jargons Papers traduits par Michèle DUCLOS dans Une Stratégie paradoxale (p. 21-29).

 

Cheminement critique

The Jargon Papers, première revue fondée par White, fut l'organe du groupe : "Dès 1965, dans la petite revue ronéotypée qu’il lance à Glasgow, Jargon Papers, le jeune White proclame, se recommandant de Nietzsche, du mouvement surréaliste français et de la métaphysique bouddhiste, la nécessité de «créer un changement fondamental dans la psyché humaine. Ceci n’est pas seulement la condition d’une vie pleine, mais peut-être aussi une condition de survie. Car ce que j’ai appelé la moitié d’une vie divisée peut produire des inventions techniques colossales que l’autre moitié morbide est susceptible d’utiliser n’importe comment. Entre le savant atomique apparemment inoffensif et industrieux et un Hitler, la distance n’est pas grande. Au-delà des deux il y a la possibilité d’une existence harmonieuse, celle de l’homme conscient de ses désirs»", Michèle DUCLOS, Traits chamaniques dans la poésie du XXème siècle : Ted Hugues et Kenneth White, Revue des Ressources, février 2003. Voir aussi Anne BINEAU, HKW, p. 58.Christophe RONCATO, KWOM, p. 193-194.

Littérature mondiale

 

 

Définitions

 

"Se situe en dehors à la fois des littératures nationales et des accumulations internationales. N'a rien à voir non plus avec un universalisme abstrait. Il s'agit plutôt de poétique planétaire. Basée sur l'idée que chaque lieu est ouvert sur l'univers. Se pose aussi la question de savoir ce qui constitue un monde* vraiment vivant", Lexique géopoétique, Poésie 98, Octobre, n°74, p. 17.

 

"J'ai toujours été partisan de ce que Goethe, au début du XIXème siècle déjà, appelait Weltliteratur, « littérature mondiale », entendant par-là à la fois une connaissance panoramique des littératures du monde entier et une dynamique poétique qui, grâce à la traduction, saurait transcender les frontières nationales, saurait ouvrir un nouvel espace littéraire et culturel mondial", extrait du discours inaugural de la 25ème Biennale de Poésie, Liège, 2007.

 

 

voir Nomadisme intellectuel

 

 

Principales occurrences

AE, p. 199 ; AT, p. 47 ; CGP, p. 28 ; LCGT, p. 113 ; PA, p. 81, p. 85, p. 338 ; PAN, p. 182 ; PC, p. 128, p. 155, p. 167 ; SP, p. 228, p. 244 ; Lexique géopoétique, Poésie 98, Octobre, n°74, p. 17 ;PG, p. 106.

 

Citations

"Tout cela invite à de multiples développements, mais, dans le cadre de cette lettre, je me contenterai de citer les phrases de Sur le fleuve Amour qui, quand je les ai lues pour la première fois, là-haut, dans mon Hyperborée brouillardeuse, m'ont persuadé que, malgré tous les marchands de bouillon fadasse, malgré tous les faiseurs de littérature faisandée, la littérature française (« franciscane », aurais-tu dit), la littérature mondiale, disons du monde ouvert*, avait encore un avenir", AE, p. 199.

"[…] je voudrais m'attarder un instant sur cette notion d' « époque totale ». C'est la notion transnationale et mondiale de Goethe, mais en plus condensée. En effet, cette notion de « littérature mondiale » peut s'interpréter et se réaliser uniquement en termes panoramiques et cumulatifs (elle s'arrête, en général, là), mais « littérature mondiale » peut signifier non seulement du monde entier, mais d'un monde entier. Cette interprétation-là, évidemment, est autrement plus exigeante, et comporte de multiples difficultés. Elle exige non seulement un encyclopédisme mais un « sentiment de la planète »", PA, p. 85.

"Il s’agit vraiment d’une littérature mondiale, mondialiste, qui dépasse à la fois les cadres mondains et les vieilles frontières nationales, tout en maintenant des réseaux de vie, tout en respectant les couleurs, les odeurs et les contours des grandes régions", PAN, p. 182.

 

Commentaires

Dans la préface à la traduction qu'il donne des poèmes du bulgare Nicolaï Kantchev, White commente l'appel de Goethe : "L'appel que lança Goethe en 1827 : « Le concept de littérature nationale ne signifie plus grand chose aujourd'hui. Nous allons vers une époque de littérature mondiale (Weltliteratur), et chacun doit s'employer à hâter l'avènement de cette époque », reste programmatique. Nous vivons dans un climat de complaisance nationale et de protectionnisme culturel frileux", Préface, Nicolaï KANTCHEV, Comme un grain de Sénevé, Actes Sud, 1987, p. 7. Voir aussi le chapitre intitulé De la littérature mondiale dans Une Apocalypse tranquille, p. 51-56.

 

Cheminement critique

Michèle DUCLOS, KW, p. 255-264 ; MOKW, p. 92.

 

 

 

Littoralité

 

 

Définitions

 

"Enlève à la littérature son caractère trop « littéraire », redonne à l'écrit une force orale. Aussi, situe la pensée sur un littoral, à la limite des terrains habituels, face au vide", Lexique géopoétique, Poésie 98, Octobre, n°74, p. 17.

 

"La « littérature » ayant tendance à se cantonner dans le renfermé et le ressassé, ce que je propose, c'est un peu de littoralité, où l'écrit rejoint l'oral (parole, bruits du monde), où l'esprit erre le long des rivages de la planète, où l'être se transforme en système ouvert, où l'identité devient champ d'énergie", ADL, p. 9.

 

 

voir Atlantique, Grand Rivage

 

 

Principales occurrences

ADL, p. 9 ; AT, p. 35 ; PA, p. 15, p. 363 ; LCGT, p. 128 ; LO, p. 73 ; RS, p. 77 ; CG, n°4, p. 7, p. 23 ; CG, Série Colloques, Géographie de la culture, p. 90 ; Trois lettres du littoral, Etats provisoires du poème III, Cheyne, 2001, p. 61 ; Petit traite de littoralité, Etats provisoires du poème VII, Cheyne, 2007, p. 91



Citations

"En fait, en s'amusant un peu (dans un monde morose, un peu de gai savoir fait du bien), on pourrait dire qu'étant donné ma situation aux limites, sur le littoral, il s'agit dans ce livre moins de littérature que de littoralité. La littérature tourne en rond dans son contexte psycho-socio-culturel, la littoralité se projette vers un nouveau monde dont l’Amérique, le continent transatlantique, constitue parfois dans ces pages la métaphore", PA, p. 15.

"Dans mes écrits en prose et en poésie, on trouve quantité de formes, de traits stylistiques, toute une variété de moyens. J'aurais du mal à en dresser la liste. Enfin, je pense à un certain mouvement musical interrompu par des onomatopées. A l'utilisation de toutes sortes de langues, pour des effets divers. Au grand emploi de traits d'union, voire d'agglutinations, pour créer de nouveaux concepts, de nouveaux adjectifs. A un certain ton, une amplitude, une longueur d'onde. A la grande présence de l'oral dans l'écrit - à tel point qu'il m'est arrivé de parler de littoralité plutôt que de littérature", LCGT, p. 128.

"Nous tentons, à partir des mêmes besoins, mais sur d'autres bases, une activité en symbiose. C'est pour cela que nous parlons, non de littéralité mais de littoralité, non de fiction, mais de géopoétique", CG, n°4, p. 7.

"[…] Une grande partie du travail que j'ai effectué concerne le littoral (rivage, côte, grève, plage…) - à tel point qu'il m'est arrivé de parler de littoralité (ce qui, dans mon esprit, donnait un espace physique à la littérature, et une force orale au langage écrit)...", CG, n°4, p. 23.

 

Commentaires

White est également l'auteur d'un Petit traité de littoralité, Etats provisoires du poème VII, Cheyne, 2007, p. 91. Lors d’un entretien, l’auteur a donné sa vision du littoral : "Quant au littoral, c’est là où le contexte humain s’ouvre sur le non-humain, où se rencontrent deux forces, terre et mer, créant une ligne de côte qui est comme la première écriture du monde. C’est aussi un lieu de rythmes divers, de configurations perpétuellement changeantes, de coups d’aile", Kenneth White : dans les rues et sur les rivages, Propos recueillis par Marc Emile Baronheid - BSCNEWS.FR, 07 août 2011.

 

Cheminement critique

Kenneth WHITE : L’écriture géopoétique. De la littérature à la littoralité in Le nouveau territoire, Exploration géopoétique de l'espace, Sous la direction de Rachel BOUVET & Kenneth WHITE, Figura/UQAM cahier n°18, Montréal – 2008 ; Catherine VAISSERMANN, L’Atlantique dans l’œuvre de Kenneth White, MOKW, p. 147-157. Christophe RONCATO, KWOM, p. 148, p. 169.

 

 

Livre : Livre-itinéraire, livre résidence, livre-vie, livre-chemin, livre de la voie, livre-océan, livre-voyage, livre-monde, livre de la route…

 

 

Définitions

 

"En ce qui me concerne, je parle de way-books* (livres-itinéraires) et de stay-books (livres-de-la-demeure). Dans les livres-itinéraires (La Route bleue, etc.), à partir d’un parcours à travers un ou des territoires*, il s’agit de se retrouver d’une manière inédite dans l’univers. Dans les livres-de-la-demeure (Lettres de Gourgounel), il s’agit d’habiter le plus pleinement possible un lieu, mais en l’ouvrant, pour respirer à pleins poumons, à plein esprit – en suivant, par exemple, des pistes de migration (d’animaux, d’êtres humains), des cours d’eau, des filons géologiques…", Chemins d'étoiles n°4, Automne-Hiver 1998, p. 33.

 

"Si le roman tourne en rond dans le pathos psycho-civilisationnel, si le livre de voyage se contente en général de traverser le monde d’une manière pittoresque et éclectique (un peu de ceci, un peu de cela), ce que, dans mon travail, j’appelle livre-itinéraire consiste en un cheminement à travers un territoire*, qui sera lu de plusieurs manières, dans le but d’atteindre un lieu d’où non seulement on peut voir grand mais où l’on peut s’ouvrir à l’univers », Voir Grand, Panorama des grands sites, en collaboration avec Jacques Maigne, Actes Sud, Réseau des Grands Sites de France, 2007, p. 76.

 

 

voir Flèche, Way-book

 

 

Principales occurrences

AT, p. 60 ; CC, p. 32 ; EN, p. 107, p. 252 ; FI, p. 118 ; LCGT, p. 14, p. 26, p. 36, p. 71, p. 109, p. 123 ; p. 131 ; LP, p. 39, p. 48, p.56, p. 58, p. 101, p. 121 ; RC, p. 11 ; SP, p. 146 ; VVE, p. 157 ; Chemins d'etoiles n°4, Automne-Hiver 1998, p. 33 ; CG, n°1, p. 68 ; Géo, n°61, mars 1984, p. 40 ; Voir Grand, Panorama des grands sites, en collaboration avec Jacques Maigne, Actes Sud, Réseau des Grands Sites de France, 2007, p. 76



Citations

"La conscience du vide, ça se travaille. Et c'est ce travail-là qui fait la différence entre une poétique du pittoresque et une poétique de la pénétration. C'est cela aussi qui fait la différence entre le livre de voyage, qu'il soit exploit kilométrique, tourisme cultivé (un peu d’histoire, un peu de cuisine, un peu de ceci, un peu de cela) ou gentil vagabondage, et ce que je préfère appeler livre-itinéraire", LP, p. 39.

"Si j'écris aussi des livres-itinéraires, c'est pour montrer l'humus d'où sort la poésie, pour montrer que ce n'est pas quelque chose qui tombe du ciel, mais qui croît, qui pousse, dans une existence, si on mène cette existence jusqu'au bout, ou si on essaie de l'augmenter", LP, p. 48.

"Mais développer une pensée est une chose (et une chose absolument nécessaire), l’exposer à des lieux difficiles, la prolonger au contact de lieux inconnus, la renouveler grâce à des lieux divers en est une autre. En ce qui me concerne, en tant qu’écrivain, j’essaie de le faire à travers ce que j'appelle des livres-itinéraires ou des livres-résidences qui consistent à explorer un territoire*, à vivre un lieu", SP, p. 146.

"Pourquoi écrire un livre ? Parce que dans l'état confus et confusionniste actuel, nous avons grand besoin de livres-de-vie, de livres-de-monde...", Géo, n°61, mars 1984, p. 40.

"Et Joyce, s'il avait vécu, aurait écrit, après Ulysse et Finnegans Wake, un livre-océan, une sorte de maximum opus marinum", CG, n°1, p. 68.

"Le Journal de Thoreau est un livre-lichen. Pour changer de métaphore, on peut le voir aussi comme un livre-rivage...", EN, p. 107.

"Pour le moment, le romantisme reste dans les livres, et les livres-vie restent sur les mêmes rayons que les livres-chaussettes", AT, p. 60.

 

Commentaires

Kenneth White structure l'organisation de son œuvre en différentes catégories d'ouvrages (cf. Flèche) : "Ce champ est présent dans les trois sortes de livres que j'écris : le livre de poèmes, le livre-itinéraire, le livre d'essais. Dans le livre-itinéraire, il y aura seulement plus de matière vécue dans la durée. Dans l'essai, plus de matière intellectuelle. Un jour, j'ai comparé cette triple activité à une flèche : les pennes, l'essai ; la tige, le livre-itinéraire ; la tête de la flèche, le poème", LCGT, p. 123.

Serge Velay, dans sa préface à la seconde édition du Chemin du haïku, indique que l'auteur le considère comme « un petit livre-chemin » (1987). Dans L’Esprit nomade, l'auteur évoque le livre-voyage romantique : "Tous ces livres-voyages [...] traversent une topographie à la fois réelle et symbolique pour aboutir à cette « complétude » dont parle Hölderlin et qui est présentée la plupart du temps mytho-géographiquement sous des noms comme « Eldorado », « Orient », etc", EN, p. 252 ; il y évoque également "le livre-de-la-route poétique" (p. 264).

Se référer à Eloge du Livre paru en 1994.

 

 

Local, Localisme

 

 

Définitions

 

"Si je parle de toucher terre à nouveau, de re-localisation, cela ne signifie aucunement localisme simple. Comme le dit Whitehead dans Adventures of Ideas, comme le dit toute la théorie des champs, il n'y a pas de localisme simple, chaque lieu est comme un « nœud » dans le flux universel", AE, p. 123.

 

"Quant aux cailloux sur lesquels on marche [ici dans les Côtes d'Armor —ndlr], si certains ont une origine locale, ils proviennent, pour une grande part (encore une fois, le sait-on assez ?), d’origines diverses, ayant été apportés là par les glaciers de Scandinavie ou d’Ecosse. Lorsqu’on sait ces choses là, on ne se sent plus isolé sur un point de la terre, on est relié, par la force des choses, au reste du monde*, on peut encore penser en termes localistes, mais ce sera dorénavant dans le sens d’un localisme ouvert", FI, p. 59.

 

 

voir Topologie poétique, Psychogéographie

 

 

Principales occurrences

AE, p. 123, p. 193 ; AL, p. 1 ; EN, p. 31 ; FE, p. 9 ; FD, p. 99 ; LM, p. 25 ; LP, p. 73, p. 109, p. 116 ; PA, p. 154, p. 180, p. 199 ; PAN, p. 175 ; PC, p. 154 ; Rivages, p. 15

 

Citations

"Toujours l'amour des lieux / mais en dehors de toute idéologie localiste", LM, p. 25.

"Deuxième méditation donc - le lieu de l'œuvre. Etant donné les références que tu alignes, il est évident que pour toi ce lieu, la Tuilerie de Massane ou le hameau de la Galaube, n'a rien de localiste. Ce qui est présent à ton esprit, c'est une localité approfondie, que tu tentes de faire rayonner", AE, p. 193.

"Ici c'est une maison en pierre dans un lieu isolé, vécu quotidiennement. Cela peut avoir une forte influence sur ce que j'écris : des choses parfois plus locales, mais en dehors de toute connotation régionaliste. Je ne m'enracine pas ! Un rapport avec un paysage, d'accord ; des racines, non : l'homme n'est pas un légume !", Rivages, p. 15.

"Mais unité ne signifie pas monotonie. Je pense aussi qu'il est possible de respecter la localité, la focalité, sans tomber dans le localisme. J'ai une conception archipélagique* de l'unité. C'est une des idées que je développe dans mes essais de géopoétique*, notamment dans Le Plateau de l'Albatros", LP, p. 116.

 

Commentaires

Dans un entretien, White cite William Carlos Williams au sujet de cette notion : "Les lieux m'intéressent (j'ai un esprit très géographique) mais beaucoup moins le « localisme », si l'on entend par-là couleur locale, esprit de clocher, etc. J'aime ce que dit le poète américain William Carlos Williams : une situation locale est nécessaire, non pas pour s'enraciner, pour s'enfermer dans une identité établie, mais pour qu'il y ait possibilité de pénétration blanche", PC, p. 154.

 

Cheminement critique

"Dans une conférence prononcée en janvier 1991 à l'Institut Universitaire de Technologie de Bordeaux, Kenneth White résumait en une phrase concise, concrète, l'orientation de son projet culturel géopoétique* depuis son entrée en écriture : « Je suis pour les localités et contre le localisme ». Localisme : l'histoire, l'idéologisation exclusive, enfermante, souvent passéiste, d'un lieu (région, pays, nation). Localités : terre élémentale, espace premier, mais aussi terrain d'une « prima philosophia », locus-topos ouvert sur une « atopie* » planétaire et intellectuelle", Michèle DUCLOS, MOKW, p. 9. "« Local » et « global » sont les notions contradictoires les plus générales qui nous soient apparues en rapport avec l'œuvre de White", LGOKW, Pierre JAMET, p. 7.

 




Logique érotique

 

 

Définition

 

Expression propre à l'auteur : "Une manière de penser (et d'écrire) qui ne se contente pas de projeter des fantasmes sur le monde (tout l'imaginaire) et qui ne s'efforce pas de mettre le monde en grille (un certain scientisme), mais qui essaie de suivre la courbe des choses, le mouvement sinueux des éléments, les méandres, les érosions, et qui introduit ainsi à un nouveau paysage mental*. White évoque souvent la trilogie : eros, logos, cosmos. Voir par exemple, « La route de l'océan », in Atlantica", Lexique géopoétique, Poésie 98, Octobre, n°74, p. 16.

 

 

voir Erotocosmologie, Monde blanc, Paysage mental

 

 

 

Principales occurrences

AT, p. 17, p. 24, p. 219-220 ; FD, p. 58 ; PA, p. 51, p. 360 ; PC, p. 20 ; RC, p. 205 ; RS, p. 269 ; TD, p. 259 ; CG, Série Colloques, Géographie de la culture, p. 87 ; Incisions III, p. 73 ; Rivages, p. 104 ; CG, Série Colloques, Géographie de la culture, p. 87 ; Lexique géopoétique, Poésie 98, Octobre, n°74, p. 16



Citations

"Je parle hors moi dans le sens d'une logique érotique absolue", AT, p. 219.

"Elle exige [n.b. : la logique érotique] pour sa pratique, qui vise aussi une clarté, non pas une vue ou une grille posée sur le monde, mais une participation vivante à un monde en dehors des définitions et des inscriptions qui recouvrent « le nôtre »", AT, p. 220.

"D'analytique, la science va vers une logique de la synthèse (je parle quelquefois d'une « logique érotique »)", PC, p. 20.

"Donne, un des premiers à ressentir profondément la crise et à réagir fortement, répond par un platonisme furieux (les idées battent de l'aile...), une métaphysique transatlantique (il projette l'unité plus loin, hors du contexte européen éclaté, désagrégé, vers une Amérique abstraite) et une logique érotique (Descartes perd ses moyens en face d'un corps nu)", CG, Série Colloques, Géographie de la culture, p. 87.

"Si nous comprenons l'eros comme le désir fondamental de l'être humain, l'intention du corps entier, et si nous comprenons le logos comme l'expression de ce désir et de sa réalisation, on pourrait dire - pour renouveler un peu les concepts, la pensée étant toujours prête à s'embourber - que la poésie est une logique érotique", FD, p. 58.

 

Commentaires

En 1977, dans sa postface à Terre de Diamant (non reprise dans l'édition Grasset de 1983), White avançait radicalement : "Poésie égale, en un mot, logique érotique. C'est la logique érotique qui ouvre le monde blanc*...", TD, Alfred Eibel, p. 173.

 

Cheminement critique

Régis POULET, Suivre les hautes erres avec Kenneth White, La Revue des Ressources, Dossier Kenneth White, 13 novembre 2011.

Voir aussi : Michèle DUCLOS, MOKW, p. 44 ; Pierre JAMET, p. 306, p. 316-317.

 

Mahamudra

 

 

 

Définitions

 

Mot sanskrit signifiant « le grand geste » : "Tandis que pour moi, il s'agit en poésie de bien plus que du talent et de bien plus que de la personne. Il s'agit d'un champ entier. Donc, à la place du geste tronqué et du geste rétréci qu'est souvent la poésie aujourd'hui, j'essaie d'atteindre ce que j'ai appelé dans un de mes derniers livres, le Grand Geste [...] La Mahamudra, c'est à dire un geste qui réponde aux grandes dimensions du monde*, qui soit une réponse du monde, qui indique en quelque sorte un rapport plénier au monde au lieu simplement, je le redis, de ce talent qui tourne autour de la personne. Ouvrir un champ, redécouvrir le monde…", Cosmose, p. 85.

 

"Mahamudra, le Grand Geste, c'est ce qui a lieu, c'est ce qui surgit dans le bouddhisme extrême quand tu es au-delà de toute orthodoxie et quand la conscience personnelle fusionne avec la conscience cosmique*", PC, p. 98.

 

 

 

voir Champ du grand travail, Conscience cosmique, Cosmopoétique, Transpersonnel, Zen

 

 

Principales occurrences

A, p. 215 ; AE, p. 209 ; AT, p. 190 ; EN, p. 73 ; LI, p. 120, p. 152 ; MAA, p. 185 ; PC, p. 18, p. 21, p. 29, p. 45-46, p. 98 ; SP, p. 160 ; STPV, p. 98 ; Cosmose, p. 85



Citations

"C'est pour cela qu'en épigraphe à mon dernier livre, Mahamudra (mot sanskrit signifiant « le grand geste »), je cite un passage du Yoga tibétain d'Evans-Wentz : « Quand par la méditation un lien a été établi entre la conscience humaine normale et la conscience cosmique*, l'homme arrive à la vraie compréhension de lui-même. Simultanément naît le Grand Geste, la mahamudra ». Ce n'est pas une question de gymnastique mais d'identité", PC, p. 21.

"« Où il n'y a nul lieu où se fixer, là est la mahamudra » […] On est dans le champ où peut s'accomplir le « grand geste » quand on n’est plus établi dans un système, attaché à un concept, obsédé par un modèle", PC, p. 46.

"Dans l'école de la mahamudra (le grand geste), nous sommes loin de tout attachement religieux, de toute dévotion, et la méditation, détachée de tout objet spécifique, ne vise rien d'autre qu'une limpidité", EN, p. 73.

"On peut considérer son existence même comme un haïku* - ou, disons, comme un mahâmudrâ : un grand geste dans le Vide", AE, p. 209.

"Le yoga, c’est d’abord l’unité du corps-esprit (hatha yoga), ensuite, c’est l’unité du corps-esprit et de l’univers (raja yoga et mahamudra). C’est ce yoga physico-mental que l’on découvre en marchant dans le dehors. Et cela se traduit par une autre poésie, une autre poétique », Temporel n°3, interview de Kenneth White par Michèle DUCLOS, La marche, mars 2007.

 

Commentaires

Pour aller plus loin sur cette notion voir : Evans-Wentz (W.-Y., Ed.). Le yoga tibétain et les doctrines secrètes ou les 7 livres de la sagesse du grand sentier suivant la trad. du Lâma Kasi Dawa Samdup. Avec introductions et commentaires. Trad. franç. de Marguerite La Fuente. P., Adrien-Maisonneuve, 1938.

Voir le recueil de poèmes portant ce titre : Mahamudra, Mercure de France, 1978 : "C'est pour cela que j'ai décidé de donner comme titre à cette édition bilingue franco-anglaise un mot sanskrit : Mahamudra, qui signifie « le grand geste ». C'est insister sur la nécessité, et la possibilité, de sortir de tous les petits jeux littéraires qui ne sont que le signe d'un manque d'espace et de respiration vitale. C'est suggérer aussi que la poésie est une sorte de « sanskrit » (langue universelle) au-delà des langues nationales, et affirmer un mondialisme culturel au-delà des cultures nationales", extrait du prière d'insérer.

 

Cheminement critique

Michèle DUCLOS insiste sur ce que recherche l'auteur dans la tradition bouddhiste : "Sa finalité est de retrouver cette véritable nature, en réalisant la « conscience cosmique* » dénommée, selon les régions du bouddhisme, mahamudra ou sunyavada, et en suivant le chemin du « vide » qui nous aide à sortir de la dualité où nous nous sentons étranger au cosmos : « S'ouvre alors une aire d'activité et de jouissance nouvelle. Un au-delà de l'écartèlement, un au-delà du nihilisme (c'est ce que j'appelle le « surnihilisme* ») existe donc [...]", AT, p. 110", KW, p. 170, cf. également p. 191-193 ; Robert BRECHON, Vers un yogui occidental, Critique, vol. 35 (1979), n° 383, p. 355-367.Christophe RONCATO, KWOM, p. 93.

 

 

Matrice, Matriciel

 

 

Définitions

 

1- Dans un des premiers ouvrages de l'auteur, les « collines matricielles » désignent par métaphore le monde premier. C'est aussi le pays de l'enfance.

 

2. Désigne ce qui est premier, essentiel et structurel : "J'aime à avoir simplement un nom « de baptême », que j'appellerai le nom matriciel (le nom de Kenneth est païen) et un surnom qui indique une qualité", ETC, p. 35 ; "Je ne pense pas en terme de patrie, ni même de matrie. Matrice, peut-être, mais avec un élan, non une nostalgie... surtout un idéogramme, ou peut-être un psychocosmogramme*", PC, p. 77.

 

 

voir Monde, Paysage archaïque, Psychocosmogramme

 

 

Principales occurrences

AT, p. 111, p. 112, p. 115 ; EN, p. 11, p. 35, p. 40, p. 87 ; F, p. 18 ; FD, p. 208 ; ETC, p. 21, p. 25, p. 26, p. 27, p. 31, p. 35 ; LI, p. 169 ; LP, p. 28, p. 126, p. 129 ; PA, p. 215 ; PC, p. 77 ; TD, p. 9 ; VVE, p. 24 ;PG, p. 85.


Citations

"Parler du monde de la terre, l'appeler les collines matricielles, c'est suggérer qu'une vie immédiate est encore possible. Une vie immédiate, au-delà des médias et des intermédiaires, au-delà même de la civilisation ; mais c’est là définir la poésie telle que je la conçois", ETC, p. 25.

"Le présent volume constitue le prolongement (et la dissémination) du livre En toute candeur paru au Mercure de France en 1964, selon un processus que l’on pourrait indiquer brièvement ainsi : du monde matriciel à la terre de diamant*. De l’un à l’autre, le chemin est celui d’une poésie itinérante", note de l'auteur en introduction à l'édition Eibel de TD, p. 9.

"Le résultat est en fait moins une thèse au sens de « maîtrise » d'un domaine donné que l'ouverture d'un champ, la découverte d'espaces matriciels, de parcours possibles, de lignes d'horizon", EN, p. 11.

"Nous avons vu le même mouvement s'amorcer chez Camus : même besoin d'une configuration, même besoin d'accord, même besoin de monde*, même entrée dans un champ qui n'est plus celui de la philosophie éternitaire ni celui de la dialectique, mais un champ matriciel", EN, p. 35.

"Comment dégager une figure à la fois plus radicale et plus extravagante*, capable de traverser des champs matriciels divers - vers un « nouveau monde » ?", EN, p. 40.

"Pour George Borrow, les lieux les plus poétiques (c'est-à-dire existentiellement fertiles et intellectuellement stimulants) étaient les dingles, de petits vallons (quelles matrices y attendent l'esprit ?) et les « croisées de quatre chemins » (quelle possibilité, là, de connexions interculturelles ?…)", EN, p. 87.

 

Commentaires

Le premier chapitre d'En toute Candeur s'intitule Les Collines matricielles.

 

Cheminement critique

Jack DORON : "Le soi, la partie la plus cachée, vitale de la psyché, ne se perçoit qu’au dehors, et c’est à juste titre que l’on peut parler de « figure du dehors* ». Le propre de la démarche géopoétique* est de saisir dans l’univers des choses, du paysage, la matrice, le contenant de notre fonctionnement psychique qui est représentable, entre autres, sous la forme du paysage archaïque*. Nous avons ainsi un renversement du fonctionnement psychique : ce qui est le plus à l’intérieur est inaccessible par le dedans, mais il est par contre représentable comme « figure du dehors », c’est-à-dire comme forme organisatrice de notre fonctionnement psychique", L’appel du Vide, MOKW, p. 98 ; Fabio SCOTTO, De la matrice au monde : les chemins de la candeur, AKW, p. 99 ; Anne BINEAU, HKW, p. 46-47 ; Frédéric DUFOURG, MOKW, p. 144.Christophe RONCATO, KWOM, p. 64-67.

 

 

Médiocratie

 

 

Définition

 

"[…] A mon sens, si le langage de l'idéologie ambiante est « démocratique », nous ne vivons plus en fait dans une démocratie, mais quel que soit le régime politique, dans ce que j'appelle une médiocratie […] Disons, pour résumer, que notre vie sociale se situe dans une cacotopie* marquée par un amorphisme généralisé, un gadgétisme grandissant, et un étiolement concomitant des esprits. Dans la vacance laissée par une pensée qui n'ose plus penser, une pensée pasteurisée, s'engouffrent toutes sortes de théosophies, de spiritualismes et d'occultismes. Pour résumer encore plus brièvement, en l'espace de deux mille ans, nous sommes allés de Dionysos à Disneyland", extrait du discours inaugural de la 25ème Biennale de Poésie, Liège, 2007.

 

 

voir Cacotopie

 

Principales occurrences

AE, p. 10 ; AT, p. 15 ; EN, p. 261 ; FD, p. 201 ; LCGT, p. 57- 58 ; LP, p. 53-54, p. 114 ; MAA, p. 11 ; PA, p. 23, p. 126 ; SP, p. 7, p. 15, p. 18, p. 165, p, 171, p. 204, p. 226 ; VGKW, p. 70 ;  ALH, Chap. I, L’Empire de la Médiocratie, p. 15-27.



Citations

"Mais à la différence de ces livres, il est de nature plus politique, voire polémique, se situe plus près d'un contexte socio-culturel et s'attaque directement, ici et là, à ce que j'ai appelé, dès l'époque d'Une apocalypse tranquille, la médiocratie : une maladie, infantile souhaitons-le, de la démocratie", SP, p. 7.

"Dans un contexte général qui dégénère à vue d’œil, dans une société où, à quelques exceptions près, la classe des intermédiaires (tous les semi-intellectuels du « milieu culturel », tous les semi-semi-intellectuels de la presse et de la télévision) finissent par créer ce que j'ai appelé une médiocratie (c'est le « triomphe de la médiocrité » dont parlait déjà Zola, élevée à une puissance politique), qui voue une haine viscérale à tout ce qui va à contre-courant, à quiconque représente une valeur de résistance et qui est porteur d'une recherche et d'une création réelles, je suis très loin d'ignorer que l'on peut parfois avoir l'impression que toute tentative de pensée évoluant hors-normes, toute œuvre d’envergure semblent relever, plutôt que d'une possibilité de transformation radicale réelle, d'un baroud d'honneur", SP, p. 18.

 

Commentaires

Avec Les Affinités Extrêmes (2009), Kenneth White a voulu donner un manifeste anti-médiocratie : "Ayant gardé en tête certains manifestes significatifs du passé (je pense au « fantôme errant de l'Europe » de Marx et à l’ « essor intellectuel » de Breton), je propose ce livre comme un manifeste anti-médiocratie, la « médiocratie » étant, dans mon vocabulaire, une caricature de la démocratie où le médiocre est la valeur de référence", AE, p. 10.

Dans un article récent intitulé Face à la médiocratie, il précise: « Pour le désigner, j’ai inventé il y a quelques années le terme de médiocratie. J’ai su par la suite que ce mot avait été employé dès le début du XXe siècle par le philosophe Alain – mais dans un sens différent. Chez Alain, « médiocratie » ne signifie en fait rien d’autre que le gouvernement des médiocres. Que cela existe, c’est certain. On n’a souvent pas à chercher loin », La Revue des Ressources, 8 avril 2011.

 

Cheminement critique

Kenneth WHITE, Face à la médiocratie, La Revue des Ressources, 8 avril 2011.

 

 

 

Monde

 

 

Définitions

 

"Il m'est arrivé à plusieurs reprises de proposer la définition suivante : un monde (convenant à la biologie humaine, s'entend) émerge du contact entre l'esprit humain et la Terre. Quand le contact est intelligent, sensible, subtil, on développe un monde au sens fort de ce mot : un espace où évoluer pleinement. Quand le contact est stupide, brutal, à la place d'un monde, on a une accumulation d'immonde", Latitudes n°6, p. 15.

 

"A la base du mot monde, comme à celle du mot cosmos, on trouve la notion de beauté et de fertilité. Il est significatif que, pour nous, la connotation esthétique du mot cosmos n'existe plus que dans le mot « cosmétique » et que, pour ce qui est du mot monde, nous n'avons retenu, dans le sens esthétique, fondateur et fertilisant, que le négatif : immonde. Or, un monde, c'est ce qui émerge du rapport entre l'esprit et la terre. Quand ce rapport est inepte et insensible, on n'a, effectivement, que de l'immonde. Pour qu'il y ait monde au sens plein du mot, un espace commun appelant une vie dense et intense, il faut que le rapport soit, de la part de tous, sensible, subtil, intelligent", PA, p. 25.

 

 

voir Géognose, Matrice, Mondification, Mondomanie, Nomade Intellectuel

 

 

Principales occurrences

AE, p. 126 ; AT, p. 14 ; Ec Br, p. 42-43 ; EN, p. 10, p. 19, p. 35, p. 75 ; p. 100, p. 140 ; ETC, p. 20, p. 25, p. 29 ; FD, p. 52 ; p. 163 ; GR, p. 11, p. 51 ; PA, p. 25, p. 73 ; PC, p. 15, p. 30, p. 182-183 ; SP, p. 144, p. 176 ; Carnet de bord, n°4, p. 2 ; Latitudes n°6, p. 15, p. 45 ; ALH, p. 112, p. 174, p. 335 ; PG, p. 108, p. 110, p. 117 ; Lisières, p. 11



Citations

"Je ne parle jamais que de présence au monde", ETC, p. 20.

" « Ce que tu as appelé monde, lit-on dans Zarathoustra, il faut commencer par le créer - ta raison, ton imagination, ta volonté, ton amour, doivent devenir ce monde.» Et, de l'autre côté du monde, en Orient, dans la Brihadaranyaka Upanishad, on lit ceci : « La vie n'aura servi à rien à celui qui quitte le monde sans avoir réalisé son propre monde »", FD, p. 52.

"Nous avons grand besoin d'une poésie qui « ait un monde »", FD, p. 163.

"Le nomade intellectuel* [...] se préoccupe nettement plus du monde en tant que tel (comme notion et comme présence) que ne le faisaient et ne le font encore, et les interprètes idéalistes, et les matérialistes transformateurs", EN, p. 19.

"Et je définirai ce que j'entends par « un monde où vivre » en grec : c'est une rencontre d'eros (énergie vitale), de logos (parole dense et intense) et de cosmos (belle totalité)", Latitudes n°6, p. 45 (cf., Erotocosmologie).

 

Commentaires

Pour White, la question du rapport au monde est la grande finalité : "Je me situais au bout de l'idéalisme, au bout de la métaphysique, mettant un pied devant l'autre sur la page-plage où était inscrite, en lettres de lumière, cette phrase : « Ce que tu cherches, c'est un monde. »", CG, n°4, p. 32. Dans un ouvrage consacré à son pays natal, White reprend cette citation tirée d'Hölderlin : "La phrase de son livre Hyperion : « Was du suchst ist eine Welt » (ce que tu cherches est un monde), transcrite sur un bout de papier, était épinglée au-dessus de ma table de travail", Ec Br, p. 42.

Pour lui, tout l'enjeu de ce rapport à établir repose sur l'établissement d'une poétique : "« Welt ist nie sondern weltet » dit Heidegger - le monde n'est jamais, il doit être créé, « worlded », ce qui signifie aussi dans une large mesure créé avec des mots, « worded »", SP, p. 126.

 

Cheminement critique

Michèle DUCLOS, KW, p. 255-264 ; Arnaud VILLANI, L’œuvre complète comme pensée du monde, Europe, Kenneth White, Juin-Juillet 2010, p. 242.

 


 

Monde blanc

 

 

Définitions

 

"Le « monde blanc » fut d'abord pour moi un concept purement géographique, indiquant l'espace circumpolaire (arctique et subarctique), espace dont, à un moment donné j'avais besoin, afin d'échapper au bruit multicolore de notre civilisation", MB, p. 9 (préface à une anthologie de textes eskimos et amérindiens intitulée Le Monde Blanc, itinéraires et textes, PAP, 1989).

 

Au-delà de la géographie, dans une perspective plus poétique : "Ce terme signifiait peut-être en tout premier lieu une affirmation du moi (toujours la coïncidence du nom) vis-à-vis du monde social. Ensuite, le désir d'explorer l'espace intérieur que recouvre ce moi (Thoreau : « N'est-ce pas que l'intérieur reste blanc, comme un espace blanc sur la carte* ? »). Le « monde blanc » était aussi l'intensément réel dont parle Gunn : une expérience de la réalité incandescente, ou bien encore une vision d'une limpidité totale", FD, p. 22.


"Ce que j’ai appelé, par exemple, le « monde blanc », mon premier concept « global », n’était pas, comme un pensée réflexe pourrait le faire supposer, « égocentré », c’était une synthèse hautement intense de plusieurs éléments » ", PG, p. 83.

 

 

 

voir Champ blanc, Celtitude, Euramérasie, Géopoétique, Terre de diamant

 

 

Principales occurrences

AMB, p. 19 ; AT, p. 64 ; D, p. 152 ; Ec, p. 43-44 ; EN, p. 278 ; FD, p. 19, p. 22, p. 77, p. 211, p. 230 ; LI, p. 34, p. 119, p. 148, p. 162, p. 169 ; LP, p. 89, p. 114, p. 119 ; M, p. 71 ; MB, p. 9 ; PC, p. 11, p. 15, p. 17, p. 23, p. 77, p. 80, p. 94, p. 145-146, p. 199 ; RB, p. 92 ; VVE, p. 157 ; Cosmose, p. 79 ; Fanal, p. 6, p. 11 ;PG, p. 83 ; VDV, p. 64 ; Lisières, p. 13


Citations

"Mais où diable est-il donc, cet espace réel ? C'est ce monde blanc encore spectral, espèce d'abruti. Le monde blanc (le nommer, c'est déjà trop) - cet insaisissable amalgame, fuyant comme du mercure, d'existence multiple et de non-existence. Ne va pas te figurer qu’il y a une issue géographique !", LI, p. 119.

"Ce qui deviendra plus tard la notion, l'intuition, la philosophie, le mythe du monde blanc - dont de vagues prémonitions peuvent naître dans l'expérience initiale - est concentré essentiellement dans la chair érotique au contact des choses et des éléments : les remous de l'eau, le vol absolu des oiseaux, le corps souple du lièvre, la terre humide, les fleurs qui s'ouvrent, le tronc mince et cryptique du bouleau argenté, les lourdes grappes de baies des sorbiers des oiseaux, les seins d'une fille...", AMB, p. 19.

"A l'intérieur aussi de la culture celte, et je suis tombé là-dessus par hasard, mais c'était un concept, une idée que je m'étais déjà formés, on trouve cette notion de « monde blanc », et le monde blanc, pour parler un peu rapidement, c'est un peu le paradis celtique, mais c'est un paradis qui justement n'est pas perdu et qu'il ne faut pas espérer : il est là mais il s'agit d'avoir assez de vision pour le voir", Cosmose, p. 79.

 

Commentaires

Cette notion centrale a pendant des années préfiguré celle de géopoétique : "A vrai dire, je ne parle même plus de « monde blanc », ou en tout cas de moins en moins. Cela dit, j'étais à la recherche d'un vocabulaire, de métaphores destinées à exprimer non seulement des concepts, mais toute une expérience sous-jacente pour laquelle aucun nom ne me satisfaisait", Filigrane 2, p. 111. "C'est quand j'ai vu que l'on prenait ce concept poétique pour un mythe, ou un absolu religieux (quand ce n'était pas une option ethnique !), que j'ai cessé de l'employer", AKW, p. 36. White a trouvé très tôt une confirmation de son intuition dans l’ancienne culture celte : "Sur la côte ouest de l'Ecosse, j'ai commencé à approfondir un peu la culture celte, et j'ai trouvé avec un frisson de reconnaissance que le terme utilisé dans la culture celte [...] pour le champ d'énergie le plus intense, c'est le monde blanc : finn mag, en gaélique, gwenved, en gallois", Fanal, p. 11.

White a repris plusieurs fois l’expression dans des titres de chapitre ou de recueil : Le Monde blanc ; Poèmes du monde blanc (ETC) ; Approches du monde blanc (1976) ; Signes du monde blanc (TD, Eibel, 1977).

 

Cheminement critique

Michèle DUCLOS : "Kenneth White propose un mythe simple, universel, extensible dans l'espace, inscrit dans l'expérience ordinaire de chacun de nous et qu'il baptise Monde Blanc. Cette appellation seule déjà inscrit l'homme, par l'intermédiaire du Poète et de son nom (White=Blanc) dans une terre, dans son terroir, le premier nom de l'Ecosse étant Alba, terre des collines blanches", Rivages, p. 59. Michèle DUCLOS, MOKW, p. 59 ; KW, p. 34-39-225 ; Jean DELACOUR, Qualia et monde, KWG, p. 124-126 ; Régis POULET, KWG, p. 145-147 ; Pierre JAMET, LGOKW, p. 282-302.Christophe RONCATO, KWOM, p. 60-64, p. 100.

 

 

Monde ouvert

 

Définitions

 

"Mais le géopoéticien* pense en termes de monde*, et plus précisément en termes de monde ouvert. Or, tout lieu est ouvert, toute localité est ouverte, si on sait la lire. Un peu de savoir hydrographique, géologique, zoologique, linguistique y suffit. N'importe quel ruisseau mène à travers rivière et fleuve, à l'océan. En examinant la roche locale, on peut entrer dans l'orographie du monde. Le ciel de n'importe quelle localité est traversé par des oiseaux migrateurs. Toute langue a de très longues racines. Voilà un début de cheminement réel", Latitudes n°6, p. 36.

 

"Parlons plutôt, plus sobrement, d'une extériorité, du nécessaire maintien d'une extériorité, dans un monde devenu par trop enfermé (psychologisé, sociologisé, vulgarisé). Parlons d'un au-delà des codes, d'un au-delà de l'identité. Parlons d'un voyage dans le monde ouvert. Dans un espace situé à l'écart des lieux communs, et dont la cartographie ne sera jamais complète", PE, p. 7.

 

 

voir Espace du dehors, Monde blanc, Poétique du monde, Séminaire Orient-Occident

 

 

Principales occurrences

AE, p. 20 ; CC, p. 32, p. 87 ; DD, p. 54 ; DEN, p. 18 ; EB, p. 95, p. 100 ; EN, p. 59, p. 190 ; FD, p. 91 ; H, p. 96 ; I, p. 8 ; LCGT, p. 21 ; p. 25, p. 37 ; LI, p. 163 ; LP, p. 18 ; PC, p. 199 ; PE, p. 7, p. 191 ; RO, p. 5 ; RTLA, p. 60, p. 144 ; SP, p. 147; STPV, p. 23 ; Latitudes n°3, p. 17, Latitudes n°6, p. 30, p. 36 ; CG, Géopoetique et Arts plastiques, p. 14 ;Lisières, p. 9.

 

Citations

"On trouve aussi dans ce texte, de manière latente, une poétique, la poétique du monde ouvert, qui côtoie le chaos, qui fréquente le tout indivisible", EB, p. 95.

"C'est la géologie et la topologie*, la géographie et la cartographie de cette atopie* que je développe, de manière poético-philosophique et dromo-erratique (dérivante) dans mes livres, y voyant le seul moyen de faire de notre monde enfermé dans ses contradictions et ses controverses, un monde ouvert", DD, p. 54.

"Avec sa lecture des lieux, son sens de l'espace, sa recherche d'un langage à la fois topologique* et biocosmopoétique*, la géopoétique* travaille à l'ouverture du monde, à l'élaboration du concept de « monde ouvert »", Latitudes n°3, p. 17.

 

Commentaires

On trouve cette expression, mais dans un sens purement politique, chez les géographes anarchistes Onésime et Elisée Reclus : " « A l'exception du Tibet, de la Corée et de quelques régions écartées des montagnes, l'Asie Orientale fait désormais partie du monde ouvert. Quels seront pour l'humanité tout entière les résultats de cette annexion d'un demi-milliard d'hommes au mouvement général de l'histoire ? » (Elisée et Onésime Reclus, L'Empire du Milieu, Paris, Hachette, 1902, p. 25)", cités par Kenneth White, STPV, p. 80.

L'exposition consacrée à Kenneth White et à son œuvre porte pour titre général : Monde ouvert, proche de celui de son anthologie poétique personnelle parue chez Gallimard (Un monde ouvert, collection Poésie, 2007). Open World est également le titre des ses Collected Poems 1960–2000, POLYGON, 2003. Dans un autre registre White a donné longtemps un séminaire* à Paris IV intitulé Poétique du Monde Ouvert, (voir LCGT, p. 34).

 

Cheminement critique

Michèle DUCLOS établit un lien entre cette notion et celle de monde blanc*, "premier concept synthétique inventé par White et l'une des grandes images paradigmatiques de son itinéraire intellectuel pour indiquer le « tout » dont il avait eu l'intuition très tôt au contact du paysage écossais. Une image qui est rapidement sortie du cadre écossais. Même si, par la suite, le poète ayant constaté qu'elle était souvent interprétée à tort en termes mythologiques, religieux, métaphysiques, y renoncera et continuera à animer ce concept par les termes tels que « monde ouvert », voire avec des réserves, « nouveau monde », ou simplement « monde »", KW, p. 34. Plus loin dans son essai, elle en précise la portée : "On comprendra mieux la nature de la révolution ontologique inscrite dans le sémantisme du vocable « monde » par cette orientation qualitative que White lui confère. Avant tout, et l'expression se fait de plus en plus fréquente, le poète en appelle à un « monde ouvert », ouvert sur une autre manière de vivre, de penser et d'écrire qui prend à revers toute l'anthropologie classique et moderne", KW, p. 258.

 

 

Mondification,

Mondifier

 

 

Définitions

 

Le terme existe en français dans le langage médical (nettoyer, déterger). White lui apporte un sens littéral nouveau.

 

"La poésie est créatrice d'univers. Si elle est loin d'être mondialiste, au sens économico-politique que l'on donne à ce terme, elle est si je puis dire, mondifiante, elle est porteuse d'un monde vivable, désirable, dont les bases sont souvent totalement différentes de celles de la société ambiante", extrait du discours inaugural de la 25ème Biennale de Poésie, Liège, 2007.

 

 

voir Monde, Monde ouvert

 

 

Principales occurrences

LCGT, p. 74 ; Préface, Hélène Sarrasin, Elisée Reclus ou la passion du monde, Editions du Sextant, 2003, p. 13 ; Autre Sud, n°45, Juin 2009, p. 37 ; Latitudes n°4, p. 32 ; ALH, p. 66, p. 123 ; PG, p. 23, p. 110, p. 111




Citations

"On entre alors dans le grand champ de la géopoétique*, qui est monde en émergence : mondification, beaucoup plus intéressante et excitante que toute fiction", LCGT, p. 74.

"En revenant à la base de la métaphysique, à savoir la division entre le sensible et l'intelligible, on pourrait dire, en termes abstraits, que ce qui est en jeu aujourd'hui, que l'enjeu du monde actuel, le moteur de la mondification en cours, si je puis dire, c'est une intelligence sensible, une sensibilité intelligente, qui soit autre chose qu'un esthétisme éthéré (avec pour contre-partie une vulgarité crasse), et un intellectualisme alambiqué (avec pour contre-partie un positivisme plat, un réalisme borné). Un nouveau rapport intelligent-sensible ne peut venir que d’une rencontre avec le dehors", Autre Sud, n°45, Juin 2009, p. 37.

"Inlassablement, Reclus a poursuivi son œuvre mondifiante et géopoétique*, en dehors des cénacles et des corporatismes, en dehors des enfermements professionnels et des programmes officiels...", AE, p. 20.

 

Cheminement critique

"Par cette approche d'un monde qui n'est pas un donné « objectif » mais une manifestation d'énergie dynamique et plurielle, White retrouve nombre de poètes et d'autres de ses penseurs favoris, à commencer par Heidegger pour qui le monde se « mondifie » ; mais aussi les épistémologues contemporains dont nous avons vu qu’ils ont cessé de considérer le cosmos comme un donné immuable et objectif", Michèle DUCLOS, KW, p. 257.

 


 

Mondomanie

 

 

Définition

 

Néologisme : "Platon distinguait quatre types d’homme : l’appétitif (celui qui rapporte tout à lui-même, comme un enfant) ; l’animé (l’homme de cœur, l’homme de l’agitation) ; le rationnel (celui qui vise une maîtrise de la vie et de l’univers) et le démoniaque (celui qui suit son daimon, une puissance sur-personnelle* qui le relie à ce qui, obscurément, l'entoure). Le poète est à mon sens, un démoniaque, disons un mondomaniaque, qui suit sa mondomanie, c'est à dire son désir de monde", AT, p. 33.

 

 

voir Monde, Mondification

 

 

Principales occurrences

AT, p. 33 ; PA, p. 55


Citation

"Nous avons déjà vu notre lettré-voyageur-poète proposer des concepts tels que « logique érotique »*. Il y en avait d'autres, tels que surnihilisme*, mondomanie*… Il considérait ces termes comme des concepts laxatifs, conçus pour assouplir le fonctionnement de l'esprit", PA, p. 55.

 

Cheminement critique

"Toujours épris de jeux sur le langage, White se réclame d'un monde qui ne soit ni « mondain », ni « immonde », il se proclame « mondomaniaque »", Michèle DUCLOS, KW, p. 258. Voir aussi Pierre JAMET, LGOKW, p. 186.

Nomade Intellectuel

 

 

Définitions

 

"[…] Le Nomade intellectuel (« intellectuel » en vieux chinois : homme du vent et de l'éclair), c'est celui qui, ayant pérégriné à travers les cultures afin de connaître toutes ses dimensions, afin d'augmenter sa sensation de vie, s'efforce de trouver demeure quelque part, en compagnie non seulement de ses semblables, mais des hêtres et des pins, des mouettes rieuses et des hérons gris... ", SP, p. 237.

 

"Le nomade intellectuel tente en effet d'échapper aux codes (de l'autoroute*), aux conditionnements (d'ordre socio-psychologique) et aux définitions simplistes, enfermantes. Mais il ne prétend pas échapper à tout conditionnement. Au contraire, il cherche les meilleures conditions, le meilleur conditionnement possible (espace où respirer, espace où se concentrer, etc.). Il se travaille, ne perdant jamais de vue la base animale et naturelle", LGOKW, p. 504.

 

 

voir Auteur, Figure du Dehors, géopoéticien, Isolato, Nomadisme intellectuel

 

 

Principales occurrences

AT, p. 124 ; CGP, p. 14 ; DD, p. 10-13 ; EB, p. 73 ; EN, p. 10, p. 17, p. 271 ; FD, p. 80, p. 202 ; LCGT, p. 17, p. 43, p. 73 ; LGOKW, p. 504 ; LP, p. 28, p. 67, p. 120 ; PA, p. 27, p. 210, p. 296 ; PC, p. 18, p. 46, p. 75, p. 97, p. 109, p. 111, p. 145, p. 154 ; RB, p. 36, p. 78, p. 92 ; RBL, p. 84 ; RC, p. 11, p. 233 ; SMF, p. 113 ; SP, p. 237 ; ALH, p. 74, p. 149, p. 150, p. 152, p. 157, p. 158, p. 160, p. 166, p. 167, p. 291 ; PG, p. 79 ; Lisières, p. 10, p. 42



Citations

"Avec Segalen, il s'agit d'une aventure dans l'espace qui est, en même temps, et indivisiblement, une exploration de l'être. C'est un nomade intellectuel, c'est à dire un nomade doublé d'un héros ontologique", FD, p. 202.

"On pourrait dire que la logique […] dont la formation est actuellement en cours et qui sera caractérisée par un type de discours et d'écriture plus synthétique, sera née du besoin d'une vie plus harmonieuse, d'un monde plus espacé, d'une perception plus aiguë, dans le contexte historique d'un industrialisme mégalopolitain et dans un milieu d'intellectuels « hors la loi », d'intellectuels « nomades » : ceux que Whitman appelait le « gang du kosmos »", EN, p. 271.

"Appelez-moi Ismaël, nomade intellectuel...", RB, p. 36.

"Mais on peut se plaire à l'imaginer, lui [n.b. : Jude l'obscur, le héros de Thomas Hardy], le « fou » revenant, non pas peut-être sous les traits d'un « écrivain », mais, disons, d'un nomade intellectuel (un Ismaélite de l'intelligence, un isolato* de l'esprit) qui pratiquerait cette « autre folie » qu'est l'écriture", AT, p. 124.

 

"Dans L’Esprit nomade, je présente l'intellectuel nomade, le nomade intellectuel, en précisant qu'il n'est ni l'intellectuel platonicien (idéaliste, métaphysicien), ni l'intellectuel social, dont le dernier exemple encore respectable (mais souvent plutôt pathétique) était Jean-Paul Sartre", LCGT, p. 17.

 

Commentaires

Dans Le Poète cosmographe, White précise : "J'ai trouvé le terme de « nomade intellectuel » chez Spengler, lu pendant mes années d'étudiant à Glasgow […] Enfin, pour en revenir à ce Déclin de l'Occident qui est un des livres qui ont marqué mes années glasgoviennes, le nomade intellectuel que l'on trouve dans ces pages est un être un peu furtif, hantant les rues et les ruelles des grandes villes européennes. J'imaginais un nomade intellectuel plus extravagant*, « loup des steppes » citadin, certes, mais aussi capable d'évoluer dans un espace plus grand", PC, p. 109 (voir aussi sur cette source DD, p. 10). Une autre source se trouve chez Emerson : "Dans le Journal d'Emerson on peut lire ceci (je cite la traduction française de 1914, chez Armand Colin) : « Le Nomade et le Pivot : deux pôles essentiels l'un et l'autre à la culture intellectuelle. Le nomadisme intellectuel est la faculté d'objectivité, les yeux qui partout se nourrissent. Qui possède de tels yeux entre de tous côtés en relations justes avec ses semblables. [...] Sa maison est un chariot dans lequel, pareil au Kalmouck, il parcourt toutes les latitudes. Il faut aussi qu'il sache s'en tenir à sa Loi intérieure comme le Kalmouck avec son Khan ». Ce n'est qu'un court paragraphe, parcouru d'un idéalisme qui n'est pas le mien, soutenu par un langage qui n'est pas non plus le mien, mais l'image m'est restée", DD, p. 9.

 

Cheminement critique

Michèle DUCLOS, KW, p. 94 ; Pierre JAMET, LGOKW, p. 448.

 

 


Nomadisme Intellectuel

 

 
Définitions

 

"Nomadisme et sédentarité constituent une des premières dichotomies. Dans l'histoire de la civilisation, quand la sédentarité s'enlise, le nomadisme reprend, d'une manière ou d'une autre. Le nomadisme intellectuel est un mouvement qui commence à la fin du XIXe siècle, quand certains esprits (pensons à Rimbaud) commencent à quitter l' « autoroute de l'Occident* ». Le nomadisme intellectuel, c'est aussi l'idée que toutes les cultures (les habitudes acquises dans telle ou telle sédentarité) sont partielles, et que pour arriver à un « champ de culture » complet, il faut nomadiser d'une culture à l'autre, en prenant ici ce qui manque là. Voir les livres d'essais L'Esprit nomade et "Déambulations dans l'espace nomade", Lexique géopoétique, Poésie 98, Octobre, n°74, p. 15.

 

"[…] Je cherchais, pour parler comme Gauguin, « un coin de moi-même encore inconnu » - en fait, plusieurs coins. J’allais finir par appeler cela le « nomadisme intellectuel »", SMF, p. 113.

 

 

voir Géopoétique, Géopoéticien, Littérature mondiale, Nomade Intellectuel

 

 

Principales occurrences

CG, p. 66 ; DD, p. 13 ; DEN, p. 10, p. 19 ; EN, p. 33, p. 40, p. 41, p. 52, p. 79, p. 88, p. 131, p. 280 ; LCGT, p. 67, p. 73 ; LP, p. 15, p. 55, p. 57, p. 99, p. 102, p. 132 ; PA, p. 11, p. 42, p. 220 ; PC, p. 16, p. 18, p. 47, p. 172 ; SMF, p. 113 ; Autre Sud, n°45, Juin 2009, p. 38 ; Lexique géopoétique, Poésie 98, Octobre, n°74, p. 15 ; ALH, p. 165


Citations

"La démarche du nomade intellectuel* est essentiellement différente de l'écrivain qui explore une intériorité. Avec ce dernier, on peut chercher la clé de l’œuvre [...], mais avec le nomadisme intellectuel, il n'y a pas de clés, car il n'y a pas de portes, il faut s'embarquer. Et on traverse toutes sortes d'espaces", PC, p. 18.

"Si le nomadisme pastoral consiste en la recherche de bons pâturages, le nomadisme intellectuel consiste en la recherche, à travers l'histoire des cultures, de foyers d'énergie. Mais il y a aussi une relation profonde à l'espace. Et petit à petit le nomadisme intellectuel se mue en géopoétique*", LP, p. 102-103.

"En fait, j'ai cherché tout ce qui peut apporter des éléments à mon nomadisme intellectuel et à ma poétique de l'espace. C'est justement le nomadisme (intellectuel) qui distingue la géopoétique de la géopolitique. Ugo Morochini, dans un numéro de la revue Geopolitica (Milan, Janvier 1939), le dit très clairement : « la géopolitique a pris naissance lorsque le premier groupe humain passa du nomadisme ouvert à l’état sédentaire. » La géopoétique ne perd jamais le sens du nomadisme ouvert", LP, p. 132.

"C'est ça, le nomadisme intellectuel : le passage de culture en culture, d'un lieu de l'esprit à l'autre. Et c'est le nomadisme intellectuel qui a mené à la géopoétique, c'est-à-dire à la constitution d'un monde à l'intérieur d'un espace-temps retrouvé, un espace ni fini ni infini, un temps non écrasé par l'Histoire", Autre Sud, n°45, Juin 2009, p. 38.

 

Commentaires

Nietzsche a utilisé l'expression : "Nietzsche, qui, suite peut-être à ses lectures d'Emerson (dont il faisait ses délices), évoque le « nomadisme intellectuel » dans Humain trop humain, me semblait être, avec Rimbaud, le nomade intellectuel par excellence", DD, p. 13.

Le Nomadisme Intellectuel, c'est aussi le titre de la Thèse d’Etat de Kenneth White présentée à Paris VII en 1979. Dans l'ouvrage qui en constitue la somme, L'Esprit Nomade, White évoque une autre source : "Autour de mes quinze ans, mon livre préféré était Lavengro de George Borrow [...]. C'est le récit des épreuves et des pérégrinations d'un lettré vagabond, et plus précisément de ses errances avec une tribu de bohémiens. Et personne ne sera surpris d'apprendre que, vers la même époque, mon poème favori était « L'écolier gitan » (The Scholar Gipsy) de Matthew Arnold. Après bien des années, j'ai encore plaisir à lire ces textes. Et qui sait si le concept de « nomadisme intellectuel » n'a pas pris naissance, au moins en partie, dans ce récit et dans ce poème ?", EN, p. 79.

 

Cheminement critique

De la traduction comme nomadisme intellectuel : entretien avec Kenneth White, avec la participation de Marie-Claude White, Gilles Farcet, Translator's Journal, META, Presses de l'Université de Montréal, 1986, vol. 31, n°3, pp. 321-331 (repris dans PC, p. 121). Se référer à l’ouvrage de Michèle DUCLOS, Kenneth White, Nomade Intellectuel, Poète du monde, ELLUG, 2006.

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