Résumé : Depuis les débuts glasgowiens et parisiens la pratique de la ville a très souvent été, dans l’œuvre de Kenneth White, liée à l’Asie et, de façon moins attendue chez ce poète du dehors, aux mandalas. Des « marches thaumaturgiques » pratiquées à Glasgow aux déambulations mandaliques des Limbes incandescents, White intensifie sa pratique de la ville en faisant de la mise en mouvement du corps une exploration psychique. Puis est venue la découverte des villes asiatiques dans les années 1975-76 et 1984. Le nomadisme intellectuel de Kenneth White, inspiré des hautes rencontres de l’esprit initiées dès le XIXe siècle, ainsi que son usage de la pensée nietzschéenne laissent supposer un désencombrement des illusions véhiculées sur des villes comme Hong Kong, Macao, Taipei, Bangkok ou Tokyo qui possèdent presque toutes, en Occident, une représentation ancienne qui se retrouve parfois jusque dans la culture populaire. Nombreux sont ceux (artistes, écrivains, penseurs) à avoir projeté sur ces villes qui des préjugés d’époque, qui des fantasmes lointainement hérités. Or la pratique whitienne de ces villes, tout en s’inspirant du mandala, ne s’y réduit pas. Loin de toute acculturation, il fait prévaloir l’ouverture. Se libérant de l’encombrant bagage oriental idéologique et culturel, il a donné à ces explorations urbaines en Asie une dimension géopoétique. Des Limbes incandescents aux Cygnes sauvages en passant par Scènes d’un monde flottant et Le Visage du vent d’Est, le poète et pérégrin a fait d’un espace urbain a priori peu propice à la géopoétique un horizon atopique. La contribution toute particulière de l’Asie à cette émergence mérite d'être soulignée.
par Kenneth White
1.
Que la liberté soit une conception très courante et très commode, il n’y a pas de doute. Mais on peut avoir plus que des doutes sérieux sur l’exactitude de l’hypothèse. On peut même se risquer à dire, « dogmatiquement », que pour la majorité des hommes c’est une illusion totale. Pour y voir clair, il faut, comme le dit Lichtenberg dans un de ses aphorismes, « une étude très profonde », une étude « pour laquelle un homme sur mille dispose du temps et de la patience nécessaires. »
D’un livre écrit par un membre actif de l’Institut international de géopoétique, qui a longtemps dirigé un des ateliers de son archipel, La Traversée, on pouvait s’attendre à mieux. Mais ce livre est non seulement décevant, il est sérieusement déficient.
Sans entrer pour le moment dans l’intentionalité de l’entreprise, plus ou moins consciente, plus ou moins latente, le défaut initial vient sans doute du fait que l’auteur a essayé de faire trop de choses à la fois : évoquer ses attaches bretonnes, en voulant en faire non seulement un « point d’ancrage », mais un fondement ; faire, comme annoncé dans le sous-titre, une lecture des œuvres de trois écrivains (Kenneth White, Victor Segalen, J. M. G. Le Clézio) ; présenter les travaux de l’atelier québécois de géopoétique, La Traversée ; donner une idée sinon pointue, du moins pertinente, de la géopoétique. Le résultat est un salmigondis dont le lecteur novice pourra sortir avec l’impression que les écrivains en question sont marqués, avant tout, comme l’auteur de l’étude, par la bretonnitude ; que l’Institut international de géopoétique fondé par Kenneth White a existé, mais que l’archipel qu’il a instauré par la suite a pour mission (groupe québécois en tête) d’en prendre la relève ; et que la géopoétique n’est qu’une vague rencontre entre littérature et géographie. Quant au lecteur averti, il constatera chez l’auteur du volume un mélange assez curieux de naïveté et de prétention. « Je présenterai la géopoétique à partir des propositions de Kenneth White », déclare-t-elle, en précisant sa volonté de « cibler de nouvelles bases à partir desquelles ouvrir le champ géopoétique ». White aurait donc « proposé » et Bouvet serait là pour disposer.
Regardons cela de plus près, en essayant d’y voir clair, ce qui n’est guère facile, tellement le texte est confus.